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Chapitre 1 - Crossroads - Partie 2

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Yué jeta négligemment son sac sur le lit laissé libre et dès qu'Enoa s'éloigna pour farfouiller dans son sac, il alla la refermer. Il n'était pas question qu'un petit effronté comme lui fasse déjà sa loi à peine débarqué. Au moment où il posait sa main sur la poignée de la fenêtre, il entendit la petite voix paniquée du petit s'écrié derrière lui.

- Mais qu'est ce que tu fais ? Ne ferme pas cette fenêtre ! Je te l’interdit !

Yué était parvenu à l'apogée de son exaspération. Il se permettait de lui donner des interdictions, mais où se croyait-il ? Et depuis quand devait-il lui demander son autorisation pour faire quoi que ce soit alors que lui ne se gênait pas ? Il n'écouta pas un mot de ce qu'Enoa venait de lui dire et débloqua la fenêtre d'un coup sec. Le temps que le gamin bondisse de son lit pour venir l'empêcher de la verrouiller, Yué avait déjà terminé. Il garda une main sur la poignée et de l'autre, il maintenait le gamin à bonne distance. Sa colocation avec un individu tel que lui ne serait pas de tout repos, il venait d'en avoir la certitude. D'autant plus qu'il sentit les ongles d'Enoa s'enfoncer dans son avant bras et qu'il devenait presque hystérique rien que pour ça.

- Ca ne va pas dans ta tête!, lui cria-t-il. Ce n'est qu'une fenêtre et avec ce froid hivernal, tu ne vas pas me faire croire que t'es monté en chaleur à cause de ce foutu directeur !

Ne rien dire aurait eu le même résultat, Enoa ne réagit aucunement à cette remarque. Contrairement aux attentes de Yué, il devenait de plus en plus hystérique, lui répétant inlassablement d'ouvrir cette fenêtre. A bout de nerf avec ce morveux incompréhensible, il la rouvrit rageusement et alla prendre le paquet de cigarettes qui traînait sur le lit d'Enoa. Il se servit et s'en alluma une. Son agacement s'exprimait par un léger froncement des sourcils et son visage n'exprimait aucune amabilité. Il se plongea dans une profonde réflexion en observant l'incorrigible gosse recommencer son tour de force avec la fenêtre. Le petit s'était instantanément calmé et sans faire la moindres allusion aux dernières paroles de Yué, il avait à nouveau calé, avec satisfaction, cette foutue fenêtre avec un autre morceau de papier plié. Assis sur le lit d'Enoa, Yué venait peut-être de comprendre quelque chose qui l'avantagerait à l'avenir. Il dégagea son poignet laissant apparaitre un tatouage dans la partie interne. Il s'agissait d'une lettrine japonaise de couleur noire signifiant "Lune".

- Puisque c'est ça, je te prends ta couverture. Je suis un frileux, moi. Alors t'as fait quoi pour être ici ? Tu es ici pour quoi ?, lui demanda Yué.
- Moi ? Ben, c'est simple ! Bagarre de rue ! Je gagnais ma vie comme çà ! C'était pas trop mal ! Mais je me suis fait arrêté et ici….
- Tu pourrais au moins t'excuser d'être aussi désagréable avec les gens que tu rencontres. J'espère que cela ne dérange pas ?, continua –t-il tranquillement en lui montrant la cigarette. Ca traînait alors j'me permets. J'en ai pas sur moi.
- Nan, je m'excuse pas, sale bâtard ! Hey ! Maintenant c'est mes clopes!!, s'exclama Enoa en se retournant.

Il vint pratiquement se jeter sur Yué pour reprendre son paquet de cigarette et le fourra rapidement dans sa poche. Il jeta à Yué un regard plein de suspicions et fouilla scrupuleusement dans son précieux sac avant de partir s'installer sur le bureau. Inexplicablement, cela amusait Yué de fâcher le gamin. Vraiment il prenait toujours la mouche sans prévenir au moment le plus inattendu et c'était si facile. Il fit apparaitre une cigarette entre ses doigts et se la mit sur l'oreille en le narguant avec un petit sourire narquois.

- Avec ton blabla, je ne sais toujours pas à qui il est ce paquet, alors je me ressers, lui dit-il en mettant en évidence le paquet. Ne t'inquiète pas, je suis généreux quand vient mon tour.
- Je t'ai pas autorisé à me taxer des clopes alors éloigne tes pattes!! C'est mon dernier en plus !

Enoa s'arrêta quelques instants, tentant de comprendre ce qui se passait. Puis, il tâta ses poches et blêmit. Il revint lui arracher son paquet de clopes des mains. En plus d'être mesquin, il n'était donc même pas partageur et Yué profita de cette nouvelle proximité pour l'attraper par le poignet avant qu'il ne s'éloigne à nouveau. Il l'attira vers lui, approchant son visage au plus près du sien. Il prit son air le plus sévère, celui que personne n'osait contester quand on lui cherchait des poux.

- Dis donc, morveux ! On t'a jamais appris à mieux parler ? Change de ton avec moi sinon ça va mal aller, je te le garantie.
- Je te parle comme je veux, t'es pas mon père !

            Enoa se dégagea de son étreinte tant bien que mal, plus mal que bien d'ailleurs. Yué savait pertinemment qu'il avait une poigne de fer et les frêles poignets d'Enoa ne faisaient pas le poids face à lui. Il avait desserré ses doigts alors qu'Enoa tirait dessus une dernière fois et celui-ci manqua tomber à terre. Yué afficha avec évidence un sourire moqueur. Ce gamin l'intriguait et l'énervait à la fois. Et puisqu'il lui fallait le supporter durant une durée indéterminée, autant lui poser toutes les questions auxquelles il voulait une réponse. Il sortit son paquet de cigarette de sa poche et commença à fumer.

- Alors ? T'as fait quoi pour être ici ?
-Hé ! Ca ne te regarde pas ! C'est quoi ton boulot ? Éducateur déguisé en pensionnaire, fayot de la police, t'es de la brigade des mineurs ? Ou alors quoi ? Ramasser les mégots par terre ? Si je suis ici, c'est parce qu'il parait que j'ai une autre chance ! Une chance de quoi, je ne sais pas mais de moisir, ça c'est sûr !

- Ah ! Ca, tu vois, je ne le savais même pas ! Je vais être payé ?! Tant mieux. C'est bien la première fois que je vais recevoir un salaire. Il se trouve que tu peux jeter tout ce que tu veux par terre, mon cher...Ce n'est pas moi la femme de ménage. Moi, j'en ai rien à foutre. Je dois seulement empêcher les razmoquets comme toi de foutre la merde. Alors, je fous quoi maintenant ! C'est trop lourd ici, y a rien à faire ! Et c'est secondaire comme travail. Hum ! Ma vie pour une bière. Yen a ici ?

Yué se tourna alors vers le sac d'Enoa et s'en saisit. Il commença à fouiller dedans le plus simplement du monde. Il n'eut pas le temps de voir grand-chose à l'intérieur, à peine ouvert, le sac lui fut enlevé des mains. Embêter bébé était d'une simplicité hallucinante ! Il le prenait vraiment pour un éducateur juste parce qu'il était assigné à la surveillance des gosses dans l'école où Enoa devrait se rendre. Et ce précieux sac ! Il y tenait tellement que Yué se jura de savoir ce qu'il contenait avant la fin de la semaine.

- Je te permets pas de fouiller mon sac, lui cria Enoa. Et puis quoi encore ! Je ne suis pas d’accord. Je le garde avec moi, c'est mon seul bien et personne ne l’approche ! De toute façon, je ne sais pas qui tu es mais on ne va pas devenir pote. Et des bières, je n'en ai pas ! Alors pousse toi de ma vue, je n'ai pas besoin de tes pseudo leçons de morale !

        Après ces paroles amicales, il sortit une bière de son sac et l'ouvrit avec un sourire ironique. Il en but rapidement quelques gorgées puis il se tourna vers Yué en s'essuyant la bouche du revers de la main.

- Je t'en propose pas, tu ne dois pas avoir soif ! Et si tu veux fumer, va falloir que tu me roules une pelle comme il faut ! Si t'as une bonne langue, je serais d’accord de t'en filer une, et même un peu de bière, si le cœur t'en dis !

Apparemment satisfait de sa petite vengeance, Enoa alla s'asseoir sur le bureau et se prit une cigarette. La bière à ses côtés, il sortit aussi des feuilles de son sac et commença à y vider sa cigarette. S'il n'avait pas eu affaire à un gosse aussi immature, Yué ne serait pas gêné pour lui refaire le portrait comme il se doit. Jamais il n'avait permis à qui que ce soit de lui parler de la sorte. Il fuma sa cigarette un peu nerveusement, tirant de grandes lattes pour garder son sang froid. Ceci fait, il l'écrasa calmement sur la table de chevet et se tourna vers un Enoa bien concentré sur sa besogne.

- Wow ! Mon cher ami, tu te la joues rebelle. Ca pourrait être impressionnant si j'en avais pas déjà vu avant toi. T'es vraiment zarb ! Je dirais même en pleine crise existentielle... Tant qu'à être rebelle, soit le pour de vrai... ne fait pas des trucs passagers !

Enoa sortit son briquet et commença à émietter son petit bout de résine. Cette fois ci, il ne se fâcha pas et s'accommodait, le plus méticuleusement du monde, à accomplir son ouvrage. Il ignora presque Yué et ne lui répondit qu'une fois qu'il eut la quantité voulue.

- Et je ne suis pas un rebelle ! J'essaie de vivre, et je vis comme je peux ! Je te permets pas de me juger, monsieur qui-a-eu-un-papa-et-une-maman-pour-bien-s'occuper-de-lui !

            En l'observant mettre sa résine en miette, il se rendit compte qu'Enoa était gaucher. Cela n'avait rien d'extraordinaire mais ce détail l'amusa davantage car du même coup, cela le rendait encore plus original. C'est ce moment que choisit le petit pour jeter un regard agacé à Yué et roula son joint avec une dextérité de droitier. Il l'alluma, embaumant toute la pièce de l'odeur du chanvre, et recracha l'épaisse fumée d'un air satisfait. Yué rigola pour lui-même. Ce gamin jouait au grand dur, jugeait les gens et tirait des conclusions hâtives à sa propre convenance. Une ou deux tartes et il irait pleurer dans les chaumières ! Il se leva alors et avança vers lui avec l'envie profonde de mener à bien sa distribution de claques qui se perdaient.

- Mes parents ? Pffff ! Je n'ai jamais connu mes parents alors...je m'occupe de moi-même depuis l’enfance !
- Whouah ! Ca fait du bien!!, s'exclama le petit en continuant de fumer sereinement à sa place.

A la vue de ce mignon spectacle, il changea soudainement d'avis. Une autre idée venait de germer en lui. Avec un sourire amical, il lui enleva son joint des mains et sans plus attendre de protestations de la part du propriétaire du bien, il le porta à ses lèvres et en tira une bouffée.

- Ah ! C'est vrai!...Je suis un éduc' aussi!...Hummm...Alors, j'ai le droit d'inspecter tous les articles que chaque pensionnaire possède.

Surpris, Enoa resta bouche bée devant tant d'incivilité. Il se leva d'un bond, rouge de colère et tenta de le récupérer en s'agitant autour de lui. Yué, bien plus grand, lui mit la main sur le front et le retint bien loin de lui. Il tourna le joint de l’autre côté pour l’éloigner d’Enoa et sourit toujours. Il en fuma rapidement la moitié sous les yeux ébahis et médusés du gamin.

- Hé, faut partager...Va y en avoir d'autres bientôt de cette came...Alors, tu partages, n'aie pas peur !
- Je t’ai pas invité ! C'est tout ce qu'il me reste ! J'y tiens ! Je le savoure et j'aime pas partager ! Espèce de connard ! Rend moi çà ! Je ne t'ai pas autorisé ! Va t'en chercher si t'en veux ! Tu me cherches, sale pion ? C'est mon joint ! Te marres pas, c'est pas drôle ! J'aime pas qu'on se foute de moi !

          Enoa parvint à lui attraper un poignet, tendant le bras comme il pouvait pour récupérer son joint avant que Yué ait terminé de le fumer. D'un simple mouvement de la main, Yué se dégagea et lui ébouriffa les cheveux avec un sourire amusé. Le petit se mordait les lèvres de rage, lui donnant encore plus l'air d'un bébé avec ses petites joues. En le voyant ainsi, Yué lui trouva un air tellement adorable qu'il lui pinça gentiment une joue. Cependant, ce geste ne plut pas autant à Enoa qu'à Yué. Il recula en protégeant ses joues avec ses mains, exactement comme un petit enfant. La colère se lisait dans son regard mais qu'à cela ne tienne, le regard d'Enoa était très expressif. Yue lui rendit son bien au passage. Cette fois, il lui souriait avec bienveillance et sans s'en apercevoir, il ne pouvait pas s'empêcher de plonger dans le vert des yeux de l'enfant.

- Je ne me fous pas de toi ! Je te l’ai dit, partage ! Ca ne te tuera pas !
- Me prends pas pour ton jouet parce que je suis plus jeune que toi!!, s'écria Enoa en lui arrachant le joint des mains.  Et abuses pas de ta position de fayot ! Je fais ce que je veux !
- Ben quoi ? Je fais rien de mal..., lui répondit-il le plus innocemment du monde. D'accord, ma vie est remplie de mauvais actes mais quand même !
- T'as pas intérêt à recommencer, c'est à moi ce joint !

       Abandonnant Enoa à sa fumette, Yué alla, à son tour, s'installer sur le bureau et il adossa son pied sur la table pour s'étirer contre le mur. Il s'empara de la bière oubliée par le bébé et la vida d'une traite. Elle était encore presque pleine, tanpis pour lui, il n'avait qu'à en boire plus tout à l'heure. Il n'en avait pas bu une seule depuis son arrestation et la seule boisson qu'on lui avait jusqu'ici autorisé à prendre était de l'eau. Il fit tourner la canette vide entre ses mains et, ne sachant plus que faire avec, il la lança et donna un coup de pied dedans. Elle atterrit juste aux pieds d'Enoa. Trop occupé avec son joint, il ne l'avait pas remarqué siffler la totalité de sa bière.

- Et le dirlo ici ? Il est toujours aussi hautain et vantard ?, enchaina Yué, toujours aussi candide.
- Ma canette de bière ! Et je vais boire quoi maintenant, bouffon!!, hurla Enoa en la ramassant.

                Il la secoua dans l'espoir qu'il y reste encore quelques gouttes mais le silence qui s'en échappait lui confirmait le vide intérieur de sa pauvre canette. Il fusilla Yué du regard, le joint presque terminé entre les doigts. A cet instant là, il lui aurait bien sauté dessus et l'aurait étranglé s'il ne savait pas déjà que Yué était un adversaire qu'il n'était pas de taille à affronter. Ce qui l'énervait davantage dans cette situation était que Yué en rigolait. Il se moquait de lui et il ne le supportait pas.

                De son côté, Yué savait pertinemment que le gamin était à la limite de se jeter sur lui. Peut-être qu'en le poussant un peu à bout, le petit se fatiguerait tout seul de jouer au dur. Il lui mentait sur la véritable raison qui l'avait amené dans cet endroit. Indubitablement, il y avait une autre raison et Enoa ne voulait pas le dire. Il sortait son histoire bidon de rixe de rue, lui, le petit maigrichon effrayé au visage de poupée. Il rit de bon cœur et lui sourit.

- J'espère que tu supportes bien l'alcool. Car à te voir aller au naturel...Ca doit déménager une fois saoul
- Hé ! Toi ! Grand dadet!, poursuivit Enoa qui n'allait pas lui pardonner aussi facilement même s'il détournait la conversation. Tu te prends pour qui de te balancer toute ma bière ! Tu sais combien ça coûte ce genre de truc ! Tu vas courir m'en acheté une autre ! Mais c'est quoi son problème à ce mec ? Il a jamais vu de bières et de clopes de sa vie ou quoi ?
- Gamin ! Tu n'as même pas pris la peine de te présenter et je n'irais pas chercher de la bière pour un petit inconnu ! Je t'ai donné mon nom, et toi ? C'est quoi le tiens ?
- Moi?...

"Je ne t'aimais pas…."

                Le gamin tomba dans un profond silence, ayant l'air de réfléchir à la réponse qu'il se risquerait à lui donner. Cette hésitation rendit encore Yué plus curieux et cauteleux. Il descendit du bureau sans le perdre de vue car cette fois ci, il commençait réellement à trouver ce comportement louche. Qu'est ce qui pouvait empêcher quelqu'un de donner son identité si ce n'était qu'il était le sbire d'un quelconque chef de gang ? Celui-ci avait mal choisit son oiseau de nuit car le bébé Enoa ne savait pas du tout mentir et pire que tout, il ne faisait même pas peur. Dorénavant, Yué savait à quoi s'en tenir ! Tout ce qui sortirait de la bouche de ce démon angélique ne serait que pur mensonge. Pour savoir ce qui l'attendait, Yué devrait désormais jouer double jeu.

                Enoa tira une dernière latte de son joint et, dépité, constata qu'il l'avait terminé. Il le jeta par terre et l'écrasa sous sa semelle, ne se souciant guère de la trace noire laissée par la cendre sur le lino. Un éclair d'imagination dû lui traverser la tête à ce moment là, car il prit une grande inspiration avant de répondre avec une légère crispation.

- Enoa...Asai. Je viens d'arriver dans cette taule ! Et toi ? T’es qui exactement ? T'es vraiment un pensionnaire ?

        A ce nom, Yué haussa légèrement un sourcil. La vie était pleine de surprises mais celle-ci, il ne s'y attendait vraiment pas. Il le dévisagea encore une fois tentant de déceler chez lui une quelconque expression qui le trahirait mais le gamin restait innocemment impassible et attendait sa réponse. Ainsi donc, bébé ne l'avait même pas écouté se présenter dans le bureau de monsieur le directeur. C'était bien la peine de gaspiller de la salive quand on ne lui prêtait même pas un minimum d'attention. L'idée qu'en réalité le petit savait déjà tout de lui mais espérait une erreur de sa part pour le répéter à l'extérieur lui effleura l'esprit. Peut-être était-il envoyé par celui-là même qui lui avait offert ce séjour en détention provisoire. Enoa souhaitait surement qu'il cherche à lui cacher son identité et Yué ne lui donnerait pas cette satisfaction. Il fit un clin d’œil vers Enoa et tendit une main dans sa direction. Il lui offrit aussi gratuitement un sourire en bonus et lui serra chaleureusement la main. Les petits sourcils d'Enoa étaient tout froncés en le fixant faire ses petites manœuvres. Il ne lui souriait pas du tout, le laissant agiter ses mains avec mollesse. Amusé par cette expression comique sur la frimousse du poupon, Yué l'empoigna et le coinça sous son bras. Pour plaisanter, il commença à lui ébouriffer vigoureusement les cheveux.

"Tu étais arrogeant, sournois,…."

- Ben ça, t'aurais pu le demander plus tôt, gamin ! Sois clair et précis quand tu veux savoir quelque chose ! Je peux pas deviner, je lis pas tes petites pensées, si jamais t'en as ! Je ne savais pas que ma petite personne t'intéressait autant ! Je suis Yué Yume, ton aîné, ton colocataire et je sens qu'on va bien s'entendre tout les deux !
- Haaaa ! Ca va pas, non ? C'est quoi ton problème?, lui hurla Enoa en s'extirpant de dessous son bras. Ca fait je ne sais pas combien de fois que je le demande ! C'est un hôpital de fous ici ! Et si on va s’entendre ? Bah on dirait que la réponse est non et définitivement non ! Je peux ni fumer ni boire tout ça à cause de toi ! Et maintenant qu'on s'est présenté, va me chercher une bière pour compenser celle que tu viens de me voler !
- Voler ? Le terme est dur ! Ca trainait, je voulais pas la gâcher ! Gamin ! T'auras que dalle tant que t'auras pas compris ce que les mots respect et aîné veulent dire !
- Excuse moi mais je sais pas c'est quoi un aîné ! Et puis, le respect c'est un grand mot. On l'utilise pour justifier le mépris par rapport aux autres !

"Et menteur !»

Enoa défia Yué du regard et le repoussa avec force. Celui-ci bougea à peine d'un pouce, en fait, il ne bougea pas du tout. Il croisa les bras, le regardant du haut de ses un mètre quatre vingt dix. Il souriait, amusé par ce jeu. Ce bébé était vraiment très drôle. Il faisait à peine un mètre soixante cinq ou un tout petit peu plus ! Que croyait-il faire ? Il attendit patiemment que le petiot s'arrête mais c'est cette opportunité que choisit le gamin pour lui jeter la canette de bière à la figure.

- Tiens, le voilà, ton respect ! Et ta bière est dégueu !

Yué évita le projectile de justesse en envoyant valser la canette à l'autre bout de la pièce d'un geste rapide. Cette fois, le sale garnement dépassait réellement les bornes. Il allait le prendre pour le mettre sur ses genoux et lui donner la fessée comme il le méritait. Au final, avec un tel caractère, c'était bien normal qu'il ait finit par atterrir dans cette geôle. Il esquissa un pas vers le galopin mais le petit devina rapidement ses intentions et recula jusqu'à bonne distance. Il ne s'arrêta pas pour autant, il continuait de se la jouer rebelle.

- Ca te va comme respect ? Y-U-E-Y-U-M-E !

                Alors là, cela n'allait certainement pas se passer de cette manière. Yué avait été patient et tolérant jusqu'ici, et la goutte venait de faire déborder le vase. Il se précipita sur Enoa et l'envoya valdinguer sur le lit. Il ne lui laissa pas le temps de se défendre car il se mit à cheval sur lui et lui tint fermement les poignets. Malgré la colère qui le brûlait, il parvint à se maitriser avant que la gifle ne parte et augmenta la pression sur les petits poignets d'Enoa qui gesticulait comme il pouvait pour se dégager.

- Lâche mes poignets ! C'est quoi ces manières ? Je suis pas ta meuf !

Yué ne remua pas, il le fixait durement, ne sachant plus trop comment réagir. D'un côté, il mourait d'envie de lui apprendre les bonnes manières et de l'autre, il n'osait pas porter la main sur un visage à l'apparence si fragile. Il se souvint d'un précepte propre à Nohae et qu'il répétait souvent à propos des loups déguisés en brebis et envoyé dans une bergerie. Il ne souvenait plus vraiment où il avait pu choper ce genre d'histoire bidon mais cela pouvait possiblement s'appliquer pour le chérubin. Son expression dure et froide ne quitta pas son visage. Cependant, il montra à Enoa un sourire sadique en se penchant vers lui et laissa apercevoir une lueur de malice glisser dans son regard. Se débattant comme un diable au début, le bébé, essoufflé par ses propres et vains efforts, s'était calmé et ne perdait pas une seule de ses expressions. Yué lut, en premier lieu, de la panique passé à travers Enoa, puis, soudainement, ses traits changèrent du tout au tout. Il affecta une mine plus sûre de lui et très cajoleuse en avançant son minois vers lui, corps et lèvres offertes en pâture.

- Si tu veux me goûter, va falloir être plus entreprenant !

            Pendant près d'un très bref instant, Yué fut captivé par ces séduisantes prunelles jades qui tentaient de l'ensorceler par leur nitescence enjôleuse. Un peu dérouté par cette attitude à l'extrême opposé de ce que le gamin avait montré jusqu'à présent, Yué ne sut pas comment réagir de suite face à l'adolescent. Yue mis sa main sur le visage d'Enoa et le repoussa en arrière en faisant une mine un peu dégouté. De la part de bébé Enoa, ce comportement sonnait et était d'un vulgaire incomparable.

- Si c'est ce genre de confidence, j'en veux pas. Tu provoques un peu je trouve là. Les faveurs, il faut les gagner honnêtement et pas en se vendant comme ça, mon ami!, lui rétorqua Yué en le relâchant.
- Ne me fais pas rire ! Et je suis pas ton ami ! C'est impossible!, lui répondit Enoa, du tac au tac, en se frottant les poignets. Il parvint à se soustraire de Yué et s'alluma une autre cigarette. Qui voudrait de moi, à part pour le sexe ! C'est pas ce que tu voulais à l’instant ? Que je m'offre à toi ?

                Yué lui prit sa cigarette en partant et la savoura. Malgré un extérieur calme et posé, intérieurement, Yué bouillonnait. Il ne comprenait pas ce gamin et surtout pas son attitude. Jamais il ne savait à quoi s'attendre exactement. Il ne désirait même plus le gifler ou le secouer, ni même l'embêter. Tout ce qui lui importait était de savoir qui ce rejeton pouvait être et que faisait-il ici ? Il se tourna à nouveau vers Enoa avec un air aimable, souriant de constater que le marmot se rallumait une autre cigarette au lieu de s'énerver sur lui.

- Non, c'est pas ce que je voulais, gamin ! Te crois pas si irrésistible que ça ! Que je t'apprécie ne signifie pas que je veux ton cul alors tu vas un peu te calmer !

            Enoa écarquilla les yeux, très surpris que Yué puisse prétendre l'apprécier alors qu'il avait été sans arrêt agressif dès leur premier contact. Son scepticisme apparent le rendait davantage opaque à la clairvoyance naturelle de Yué. Il rigola, portant la main à sa tempe, vaincu pour cette fois. Après tout, il avait tout son temps pour cerner la personnalité d'Enoa surtout qu'en étant dans la même chambre, son loisir serait d'observer ses moindres faits et gestes.

- Pour vrai, tu m’apprécies ? Ou c'est juste pour me flatter ? Ou alors c'est l'effet immédiat que l'alcool a sur toi ?
- Hey ! Prétentieux, je tiens mieux l'alcool que tu sembles le croire !

Yué lui sourit en soufflant la fumée de sa cigarette. Enfin, le petit plaisantait un peu malgré un sourire un peu tendu. Était ce de la timidité et une tactique de manipulation fomenté par le milieu ? Il était, hélas, vrai que beaucoup le souhaiteraient mort et enterré mais Yué n'était pas du genre à se laisser tuer sans se battre jusqu'à ce que mort s'ensuive. Et dans la conjoncture actuelle, il désirait savoir pour qui et pour quoi Enoa était là ! Cette idée qu'on le fasse surveiller par un gamin le mettait hors de lui, car il était persuadé que son arrivée simultanée à la sienne ne pouvait être issue du plus pur des hasards.

- T'es là pour raison personnelle ? Comme tout le monde ici, de toute façon ! T'as honte de ton passé ? Envoie le se faire foutre ton passé ! Au jour le jour et advienne que pourra !
- Le passé, ça se change pas!, lui répondit Enoa avec un regain d'amertume.

Yué se passa la main dans les cheveux et regarda Enoa dans les yeux cherchant à entre voir ce qu'il dissimulait. Malheureusement pour lui, cette petite tristesse passagère s'effaça bien trop rapidement. D'une certaine manière, Enoa avait raison. Le passé ne pouvait pas se changer. Il était profondément plongé dans ses réflexions quand la porte s'ouvrit en grand et Blérot pénétra dans la chambre sans frapper. Il s'immobilisa au milieu de la pièce, toisant les deux garçons du regard, les sourcils faussement froncés et les mains sur les hanches. Il les regarda tour à tour, puis son attention se porta sur la tache noire sur le lino. Il se pencha en avant pour l'examiner de plus près. Enoa écarquillait les yeux et Yué se posait la question essentielle de l'existence humaine qui était de savoir, pourquoi, malgré la loi de Newton, Blérot n'était pas emporté vers le sol par la substance flasquement adipeuse de son corps. Il prit le morceau de mégot écrasé et le renifla en prenant un air de détective extra connaisseur. En relevant les yeux, sa vue tomba sur la canette de bière gisant près du mur. Il alla la ramasser et, s'imaginant surement très impressionnant à cause du silence observé par Enoa et Yué, il se retourna comme un prince, les objets de leur méfait dans les mains et tonna. 

- Ca ne dérange personne que je les taxe ?
- Ca me dérange pas que t'en taxe. C'est pas les miens!, lui affirma Enoa avec indifférence. Franchement, désolé pour tes clopes mais fallait pas laisser traîner ! Elles s'ennuyaient, on s'est amusé avec, c'est tout !
- Qu’est ce que tu dis ?, lui hurla Blérot en retour.
- J'ai rien dit ! Sers-toi ! C’est pas à moi !
- T'insinue quoi, gamin ? Que c'est à moi?, enchaîna Yué à son tour, à nouveau énervé par le môme.
- Ce que tu peux te prendre pour le nombril du monde toi alors!, riposta Enoa en haussant les épaules.
- Je ne suis pas le nombril du monde!, s'exclama Yué, encore sur le point de le gifler.

                Le stoïcisme insolent d'Enoa mettait à très rude épreuve les nerfs de Yué et aussi de Blérot par la même occasion. Sans plus se soucier de la mauvaise impression qu'il donnait, Enoa jeta le filtre de sa cigarette encore allumée au pied de l'éducateur qui l'écrasa avec une panique digne d'un film d'horreur. Il se débarrassa des futilités qu'il tenait en main et empoigna Enoa par le col. Il eut plus de force qu'Enoa ne l'avait cru car, à son grand regret, le gamin se retrouva collé contre le gros homme puant de transpiration. Instinctivement, il se mit en apnée et grimaça de dégout en se retrouvant agglutiné contre cette limace. S’il avait su que cela finirait ainsi, il n’aurait pas jeté son mégot au sol et il ne se serait pas tenu aussi près de l’éducateur. Devant les contorsions d’Enoa pour se délivrer cette étreinte malodorante et poisseuse, Yué afficha à nouveau un sourire railleur. Le gamin l’avait bien mérité et il ne ferait aucun geste pour venir à son aide.

- Dis donc toi ! Tu sais qu’il est interdit de fumer et de boire dans l’enceinte de l’établissement ? Et surtout ce genre de produit illégal !
- Lâche-moi, gras du bide puant ! , tempêta Enoa en se débattant.

Blérot fit mine de ne pas être atteint par cette remarque désobligeante mais il orienta à nouveau son attention vers Yué. Le concerné prit une posture des plus angéliques possible de celui qui n’a rien à se reprocher, l’attitude sereine et les mains dans les poches.

- Il est vrai que ce ne doit pas être de ta faute, petit gars !, dit il en délaissant Enoa. Ce doit être ce vil manipulateur qui en avait sur lui et qui t’as obligé à en prendre ! N’est ce pas, monsieur Yumé ? Au lieu de te préoccuper de ta petite personne, apprends au moins au plus jeunes que toi de se comporter convenablement et non pas de les pervertir alors qu’ils ont encore la flamme de l’innocence qui brille en eux !
- Je sais seulement satisfaire ma personne. Je suis un égoïste de première, ça oui ! Je l’avoue, lui répondit Yué, le calmement du monde.
- Tu sais, sale garnement, que je n’ai pas pour seul occupation que de perdre mon temps avec toi…
- Ah oui ! Ta moto !

                Yué prononça cette dernière phrase avec un léger mépris qui fit même sourire le petit gamin qui se tenait à présent bien loin de Blérot et de son odeur corporelle. Malgré les misères faites par le petit à son encontre depuis le commencement, ce sourire amusé et honnête lui fit tout pardonner au bébé. Évidement, Yué ne baisserait pas sa garde vis-à-vis de lui néanmoins, il lui en tiendrait considérablement moins rigueur. Il gardait, malgré tout, à l’esprit que la petite teigne d’Enoa pouvait éventuellement cacher un vil sous-fifre, prêt à lui planter un couteau dans le dos. Il décida de continuer à taquiner Blérot d’une manière plus diplomate que le sale gosse.

- Mais c'est vrai que ta moto, elle en jette un max ! De toute façon, on peut pas sortir d'ici, tout ce qu'elle va faire, c'est rouiller ! Elle m'éclate un max et j'aimerais bien aller voir ce qu’elle contient comme force de moteur. Alors, je t'oblige à venir me montrer ta moto, je la soupçonne de ne pas être réglementaire et de cacher un truc ou deux nocifs.

                Abasourdi par l’assurance emprunte d’audace de Yué, Blérot en oublia son latin. Lui qui se voulait un éducateur sévère et inspirateur de crainte et de profond respect, il venait de se prendre la claque du siècle. Il cligna des yeux plusieurs fois avant de reprendre ses esprits. Il se composa une attitude assurée avant de bafouiller une réponse.

- Ma moto est très bien telle quelle et ne t’avises pas à la toucher où tu goûteras de ma colère ! Et puis, rien ne sert de se disputer, après tout, ici, nous sommes une grande famille et je suis comme votre grand frère à tous les deux ! Si je vous gronde, c’est uniquement pour votre bien ! Appelez-moi Em comme Aime, du verbe aimer, c’est d’accord ? Ca marquera le début d’une très grande amitié, j’en suis sur et certain.
- Sérieusement?, s’exclama Enoa avec ironie. Et tu comptes t'y prendre comment ? Réunion de groupe sur le thème de l’amitié avec blaireau ? Bande de zarb !

                Cette fois, Yué n’allait pas laisser le modèle réduit faire des siennes. Blérot n’était pas quelqu’un de très sagace et encore moins perspicace, mais néanmoins, il n’était pas stupide. S’il lui fallait une bonne poire afin de parvenir à obtenir tout ce dont il désirait, et ce qu’il voulait c’était sortir d’ici aussi souvent que possible, c’était d’avoir les bonnes faveurs de Blérot. Il attrapa le bébé pour l’attirer fermement à lui et ébouriffa ses cheveux énergiquement. A présent qu’il savait qu’Enoa n’aimait pas du tout ça, il allait en abuser, voire même l’intimider avec, si jamais cela s’avérait suffisant.

- Ne fais pas attention à lui, Em ! Ce petit gamin est juste un peu tristounet d’être très loin de sa maman alors il se défoule comme il peut sur les personnes qu’il rencontre ! Il se sent un peu faible face à une situation nouvelle, c’est tout !
- C’est même pas vrai ! Je suis pas tristounet ! Qu'est-ce qui te fais dire çà ? Je te permets pas ! Je suis pas si faible ! Je peux tout affronter, toutes les situations ! Je...Je suis jamais triste!!, finit-il par lui crier en se dégageant.
- Eh ben, là, je me demande vraiment qui est zarb ? Si c'est l'effet que lui fait le pétard.... Les gamins vont pas arrêté de me surprendre ! C'est vraiment les plus bizarres ! Tu fais exprès d’afficher cette moue boudeuse ou tu boudes vraiment, gamin ?
- Nan ! Je le fais pas exprès ! C'est quoi ces sous-entendus ? Et je boude pas...et arrête de jouer au beau gosse qui se croit ténébreux et mystérieux !
- Bien sur que tu boudes, gamin ! C’est quoi ce bec de canard de trois mètres de long, hein ?
- Je te dis que je boudais pas ! Tu m’énerves ! Tu joues avec mes nerfs là ! Je sais bien que je suis pas de taille à t'affronter mais c'est pas une raison pour te moquer de moi !
- Bon ! Bon!, les interrompit Blérot. Je vois que vous vous plaisez déjà. Ceci étant dit, le but exact de ma visite dans votre antre est qu’Enoa est à nouveau convoqué au bureau de monsieur Fernandez. Il a dit que c’est urgent car il s’agit de votre père !

                Avec ces quelques mots, Enoa se calma instantanément, le regard baissé comme un enfant qui vient de faire une très grosse bêtise et qui hasardait une tentative d’amadouement pour adoucir l’inévitable punition. Yué eut l’impression de voir une toute autre personne en face de lui, bien plus faible encore que le bébé effrayé du bureau et docile comme un animal bien dressé. Toute forme d’insolence ou d’ironie avait disparu de l’attitude désastreuse du petit monstre à deux pattes. Enoa se saisit tout simplement de son sac chéri qui lui était si précieux et se dirigea vers la porte en passant rapidement devant l’odorant Blérot. Sur le palier, il se retourna vers Yué et lui adressa quelques mots d’un ton sérieux.

- T'es sympa mais je te comprends pas !

                Yué ne lui répondit pas, il ne sourçilla même pas, gardant toute sa noblesse dans sa stature et les regarda quitter son champ de vision. Puis, il fila jusqu’à la porte, s’appuyant contre le montant, il les suivit du regard pendant qu’ils s’éloignaient.

- Je crois qu’on peut sortir quand même. Ce ne sont pas ces petits minables qui vont m'empêcher de sortir, marmonna-t-il pour lui-même. Dommage, Enoa, j'aimerais bien savoir ce qui t'a amené ici...et je vais le découvrir, crois-moi !

                Un léger rictus à faire frémir les morts vint illuminer son visage et s’effaça aussi sec dès qu’il croisa le regard d’un garçon à l’angle du couloir qui le dévisageait tout autant que lui le faisait à présent. Il haussa un sourcil et serra les dents pour conserver autant d’impassibilité que possible dans son expression. Leur échange visuel dura un bref instant car le garçon s’éclipsa rapidement derrière le pan du mur. Cette fois, les soupçons de Yué se confirmaient réellement, il devait rester sur ses gardes. Il referma la porte de la chambre et alla aussi refermer cette satanée fenêtre qu’il bloqua définitivement en tordant les huisseries.
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