La loi du silence - Page 36 - Blind confidence

Inutile pour lui d’écouter les interminables remontrances de Nohae, la situation, du point de vue de Yué, était de la plus haute importance et d’une extrême urgence. Pour rien au monde, il ne souhaitait retrouver un petit Enoa en larmes et apeuré, prêt à se défendre à n’importe quel prix, tel qu’il l’avait découvert hier au soir. Il enfila rapidement son casque et repartit dans la direction précédemment indiquée par son ami, faisant fi de toutes les règles de sécurité afin d’arriver à bon port au plus vite, manquant de peu une collision qui aurait pu être sanglante. Une seule personne occupait ses pensées et ce seul ennui lui donnait suffisamment de hargne pour affronter tous les obstacles qui tenteraient de se dresser devant lui. A mi chemin, son portable vibra dans la poche intérieure de sa veste mais Yué ne souhaitait pas le monde s’arrêter pour papoter, accélérant encore et menant la moto de Blérot jusqu’à ses limites. Cependant, son téléphone insista encore et, à contre cœur, alors qu’il était proche de sa destination, il se rangea sur le bas côté de la route, brandissant ce maudit portable, à deux doigts de le jeter au loin.

- Quoi, hurla-t-il dans le combiné.

- Saleté de tête de mule, lui répondit Nohae sur le même ton. Enoa est en train de bouger et il n’est plus là bas, bougre d’imbécile heureux. Il retourne en ville. Attends un peu qu’il s’immobilise, si ça se trouve, il retourne au centre. C’est pas vrai ! Mais vous êtes intenables tous les deux !

- Quoi ? Tu te fous de moi ou quoi ? Tu pouvais pas me le dire avant ?

- C’est toi qui me déranges à cette heure ci et tu te permets…

- Il n’est même pas vingt heures, sale larve !

- Oh, ca va, le môme ! C’est pas toi qui a quatre gosses !

- Qui t’as dit d’en faire autant…

- Il s’est arrêté, l’interrompit Nohae, coupant court à leur petite dispute.

- Ou ça, s’empressa de s’écrier Yué.

- Continue de crier et je raccroche. Il est en plein dans le centre ville, Mariott hôtel.

- C’est bon, j’y cours. Merci, le vieux.

Il fit claquer son portable avant de reprendre la route en sens inverse, plus que déterminé de rejoindre le gamin avant qu’il ne soit trop tard. Il se faufila dans les bouchons, évitant soigneusement la police car cette fois-ci, Moonlight n’était pas là pour arranger leur affaire et le centre avait probablement dû alerter les autorités. L’immense immeuble du grand hôtel de luxe se dressa bientôt devant lui, belle et menaçante à la fois, ébranlant Yué dans sa confiance en lui-même car il craignait d’arriver encore trop tard et de, cette fois, trouver Kenji sur Enoa. Il gara son véhicule dans le coin le plus discret du parking, parcourant la distance restante au pas de course, et fit irruption à l’accueil, essoufflé et à bout de nerf. Il s’avança jusqu’à la réceptionniste qui le toisait du regard, étant donné qu’il n’avait pas le profil type des clients de l’hôtel. Évidemment, Yué se doutait parfaitement que si Kenji se trouvait ici, il avait certainement donné une autre identité et appeler Enoa ne servirait à rien, puisque le gamin ne lui répondrait jamais en présence de cet enfoiré de première. Tanpis pour la jolie dame, il passa derrière le comptoir de la réception et embrassa la jeune femme sur la joue.

- Je suis le fils du patron. Y a du monde aujourd’hui ? Ca bosse un peu ?

Il s’installa devant l’ordinateur et se mit à pianoter tranquillement en farfouillant dans les données des clients, dans le but de débusquer l’indice qui lui indiquerait où se pouvait bien être ce foutu garnement. Son aisance conforta la réceptionniste dans l’idée qu’il s’agissait, effectivement, du fils de son employeur et ne lui montra aucune opposition. Seulement, déçu par le contenu des fichiers puisque le nom de Asai n’y était et que celui-ci pouvait être n’importe qui d’autre de la liste, une idée, peut-être saugrenue, germa et quitte à prendre des risques hasardeux, Yué se tourna vers la jeune femme, un sourire mauvais sur les lèvres.

- Vous savez qu’actuellement, notre entreprise est en pleine restructuration du personnel. Mon père et moi avons appris, de source sûre, que certains habitués se permettaient d’introduire des petits extra de séjour. Nous en avons repéré un. Un jeune garçon châtain clair, les yeux verts, pas très grand, du genre punk rock gothique et qui a un bras en écharpe. Où est-il ?

- Monsieur, commença nerveusement la jeune femme. Mais, la direction nous avait justement dit que ce garçon pouvait parfaitement aller et venir dans notre établissement selon son bon vouloir. Nous savons pas où il va mais à chaque fois qu’il vient, il monte directement dans les étages.

- Vraiment, s’étonna Yué en haussant un sourcil, surpris que son aventureuse accusation ait porté si rapidement ses fruits et cela, de façon si intéressante. Où sont vos caméras de surveillance ? Je veux savoir exactement où il est et ce qu’il fait. Au fait, mademoiselle, vous êtes virée.